Cette année, notre exposition eroa au collège s’intitule « Résilience ». Nous accueillons les œuvres de deux artistes contemporains : Laura Durandeux, qui travaille la céramique, et Dmitri Makhomet un réalisateur d’origine biélorusse, dont le court-métrage la terre invisible, nous est prêté par le Frac Grand Large — Hauts-de-France.
La rencontre avec Dmitri Makhomet ce vendredi 7 janvier au collège, est l’occasion de partager un moment de création artistique sur le territoire proche, sur cette « terre invisible » que constitue l’ancienne ville de Thérouanne.
Des élèves de 3e , motivés à l’idée de rencontrer un artiste, d’expérimenter la vidéo et de questionner la notion de la « résilience » sur le site, ont travaillé toute la journée, accompagnés de leurs professeurs d’arts plastiques, de notre documentaliste et d’une des AESH du collège.
L’occasion pour eux de réinterroger artistiquement le territoire et son passé. Ces mêmes élèves ont initié la réflexion l’an dernier par une performance monumentale collective avec les artistes du CLEA de la CAPSO: Guillaume Lepoix et Richard Pereira, en fabriquant et en portant à bout de bras des lettres de quatre mètres pour écrire « hic sunt dracones » dans le paysage, et révéler les tracés de l’ancienne ville.
Cette année, l’usage de la camera professionnelle de Dmitri Makhomet est une nouvelle expérience pour eux : l’occasion pour l’artiste de leur faire ressentir la capacité des images vidéo à montrer ce que l’œil humain ne perçoit pas de la même manière.
Lors d’une déambulation contemplative sur le site de l’ancienne cathédrale de Thérouanne, ils éveillent leurs sens et interrogent les lieux : que reste-t-il du passé ? Comment la nature a réinvesti les lieux ?
Dans un temps comme suspendu, l’oeil s’arrête sur des détails, sur le paysage alentour, sur les minéraux, les végétaux. Quand la camera s’active, un élève réclame le silence. Alors l’oreille perçoit des sons auxquels on ne prêtait pas attention : le chant des oiseaux, le souffle du vent, le bruit sourd des véhicules qui circulent alentour ; ramenant ce territoire d’histoire inhabité et comme endormi, au présent et à l’activité humaine.
Charles-Quint a donné l’ordre de raser jusqu’au sol la ville et de répandre du sel « pour que jamais plus rien ne pût pousser ».
Et pourtant la nature a fait sa résilience, et aujourd’hui encore la ville ancienne existe et revit dans les yeux des élèves, dans l’objectif de la camera : magie de l’art qui régénère à la lumière du présent ce site ou presque plus rien ne subsiste du passé.
On observe les plans filmés, on partage notre ressenti, on dresse des listes de mots, pour révéler les images, et ce qu’elles ne peuvent pas montrer, ce qui a disparu.
Un court-métrage devrait bientôt naître : Traces , c’est après le choix de ce titre que la journée s’achève.
« On laisse nous aussi une trace en réalisant un film » s’exprime une élève de l’atelier.
À la performance monumentale collective animée de l’an dernier, succède une expérience artistique sensorielle et contemplative, qui complétera leur parcours de création artistique sur le territoire.
Par Gaëtane LHEUREUX